Servantes des Pauvres
Oblates bénédictines

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Première profession de Sœur Marie Anne Scholastique 06-08-2015

Au cours de ces deux années passées à « l’école du service du Seigneur », la novice qui va émettre ses premiers vœux a été initiée aux exigences essentielles de la vie religieuse ainsi qu’à la mise en pratique, en vue d’une charité plus parfaite, des conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance. A travers la Règle de Saint Benoît et les Constitutions des Servantes des Pauvres, elle a pu découvrir l’esprit de l’Institut et cultiver l’amour des Pauvres. En réponse à son oblation, l’Église remet à la jeune professe le vêtement de chœur, la croix de profession et la Règle de Saint Benoît.

Sœur Marie Anne Scholastique
Sœur Marie Anne Scholastique
Sœur Marie Anne Scholastique

 

En cette fête magnifique, céleste, de la Transfiguration du Seigneur, votre fête patronale, nous sommes tous ensemble, dans la foi mais très réellement, aux pieds du Seigneur dévoilant à ses trois apôtres privilégiés la gloire de son humanité unie au Verbe éternel, laissant entrevoir la gloire insondable de l’adorable Trinité elle-même. Et la novice qui va faire profession dans quelques instants nous entraîne tous, spécialement toutes ses sœurs et tous les religieux et religieuse, présents de corps ou en esprit, dans un renouvellement de notre engagement baptismal, dans un renouvellement de notre don total au Seigneur, dans la lumière de ce mystère trinitaire.

Le mystère de la transfiguration est trinitaire, et, dans Vita consecrata, en donnant ce mystère comme une icône privilégiée de méditation pour les consacrés, saint Jean-Paul II a souligné le caractère trinitaire de la vie consacrée elle-même. Mystère trinitaire, car, sur la montagne de la Transfiguration, le Fils apparaît dans la gloire qui est due à son humanité assumée par le Verbe éternel ; le Père rend témoignage au Fils en affirmant sa filiation divine, « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » ; le Saint-Esprit se manifeste, ainsi l’ont compris les Pères, dans la nuée qui enveloppe les trois apôtres privilégiés. Et assistant à cette révélation trinitaire, les apôtres sont trois : est-il téméraire de voir aussi dans le choix du Seigneur Jésus une volonté de symboliser encore le mystère trinitaire : Pierre ne peut-il représenter la foi, lui qui vient tout récemment de confesser la divinité du Sauveur Jésus, « Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant ! » ; Jean, le disciple que Jésus aimait, semble bien, et toute la tradition nous encourage à le voir ainsi, symboliser la charité, lui qui nous l’a prêchée si éloquemment par son Évangile, et aussi en proclamant dans sa première épître : Deus caritas est, et qui manet in caritate in Deo manet : Dieu est charité, Dieu est amour, et qui demeure dans la charité demeure en Dieu ; et plus haut dans la même épître : « Mes bien-aimés, n’aimons pas en parole ni seulement de langue, mais en actes et en vérité ». Et enfin en saint Jacques le Majeur, frère de Jean, ne nous est-il pas loisible de voir en lui un symbole de l’espérance ? D’abord parce que le Sauveur Jésus a repris son zèle pour une manifestation temporelle, immédiate du Royaume céleste à travers le feu du ciel, le renvoyant implicitement à l’espérance ; et puis parce qu’il fut,-est-ce une simple coïncidence ?- le premier des Apôtres à mériter la palme du martyre dans la persécution d’Hérode Agrippa, avant l’arrestation et l’incarcération de Saint Pierre (Act. 12). Ce premier vrai triomphe de l’Église naissante dans la palme de son Apôtre, et non dans une descente vengeresse du feu du ciel sur la prière du « fils du tonnerre, Boanerges », ce triomphe du martyre, le seul véritablement désirable pour l’Église, gage de tous les triomphes qui l’orneront glorieusement jusqu’à la fin du monde, espérance pour tous ceux qui auront à témoigner jusqu’au bout après saint Jacques, tous ceux qui devront comme lui espérer contre toute espérance. La petite fille espérance de Péguy, la plus petite des trois théologales, serait ainsi représentée par le frère de saint Jean le grand apôtre de la charité, la plus grande de ces vertus. À la manifestation du Père, du Fils et du Saint-Esprit répondrait ainsi, du côté de l’humanité témoin du mystère, la foi, l’espérance et la charité, principes d’ailleurs, avec la grâce sanctifiante, de l’habitation en nous des Trois Personnes. Comme tout cela est grand et beau ! Bonum est nos hic esse, il nous est bon d’être ici.

Et notre vie monastique, et, si proche d’elle par son origine et sa spiritualité, votre vie religieuse de Servantes des Pauvres, et toute vie religieuse, parce qu’elles ne sont que la vie chrétienne prise au sérieux, menée jusqu’au bout de l’amour, jusqu’au bout de la foi, de l’espérance et de la charité, toute vie religieuse est trinitaire comme la vie chrétienne qu’elle prolonge, l’une comme l’autre n’étant que l’épanouissement du Baptême au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Et qu’il nous suffise alors d’écouter saint Jean-Paul II, lisant dans le mystère de la Transfiguration toute notre vie religieuse, cette vie religieuse dans laquelle vous vous engagez ce matin, ma chère sœur : le Père vous a attirés à son Fils, vous disant au cœur : Celui-ci est mon Fils bien-aimé qui a toute ma faveur : écoutez-le. « Répondant à cet appel accompagné par un attrait intérieur, disait le saint Pape, la personne consacrée se confie à l’amour de Dieu qui veut l’avoir à son seul service, et elle se consacre totalement à lui et à son dessein de salut. » (Vita Consecrata, n° 17). Le Fils vous a appelée, comme donnée à lui par le Père, à venir à sa suite, vous demandant « un abandon de toutes choses pour vivre en intimité avec lui et le suivre où qu’il aille » (id. n° 18). Enfin l’Esprit Saint est à l’origine de votre réponse d’amour et demeurera l’ouvrier de votre fidélité quotidienne : « C’est l’Esprit qui, au cours des millénaires, pousse toujours de nouvelles personnes à percevoir l’attrait d’un choix si exigeant (…). C’est l’Esprit qui suscite le désir d’une réponse totale ; c’est Lui qui accompagne la croissance de ce désir, portant à son terme la réponse affirmative et soutenant ensuite son exécution fidèle : c’est Lui qui forme et façonne l’esprit de ceux qui sont appelés, en les configurant au Christ chaste, pauvre et obéissant, et en les poussant à accomplir leur mission. En se laissant guider par l’Esprit pour avancer constamment sur un chemin de purification, ils deviennent, jour après jour, des personnes christiformes, prolongement dans l’histoire d’une présence spéciale du Seigneur ressuscité » (id .n° 19).

Ma chère sœur, en vous engageant dans la vie religieuse, dans cette voie que votre foi transfigurera tout au long des jours, tout au long du terrible quotidien, vous faisant découvrir le visage de gloire de votre Époux céleste à travers le visage de misère des pauvres que vous voulez servir, visage de misère qu’il a pris Lui aussi dans sa bienheureuse Passion pour vous aider à le voir, Lui, en eux, vous ne vous trouvez pas seule ; vous entrez dans une cohorte multiséculaire : nous y distinguons parmi beaucoup d’autres les saintes femmes que nous voyons dans l’Évangile servir le plus pauvre d’entre les pauvres, lui qui n’avait pas où reposer la tête sinon sur la Croix, lui qui d’infiniment riche qu’il était s’est fait pauvre pour nous enrichir de sa pauvreté ; et puis, tout au long de l’histoire de l’Église, les saintes Louise de Marillac, Catherine Labouré, Jeanne Jugan, Teresa de Calcutta, toutes vos saintes mères dans cette belle congrégation des Servantes des Pauvres, et combien d’autres dont les noms resteront cachés jusqu’au jugement dernier : « j’ai été malade et vos m’avez visité…venez toutes, les bénies de mon Père !». Toutes, avant vous, se sont mises au service des pauvres par amour pour le Sauveur. Et votre foi, qui vous fait voir l’invisible, vous les montrera toutes autour de vous dans les moments difficiles qui viendront immanquablement : moments de doute, de lassitude, de dégoût : devant les escarres purulentes de tel malade, devant les souillures de tel pauvre incontinent, dans les aspérités même de la vie fraternelle en communauté, vous vous direz que les douceurs du noviciat, que le beau jour de la profession où votre Époux, sans doute, vous séduisait, que ces belles heures sont très loin ; elles seront là alors, toutes vos mères dans le service des pauvres, à vous murmurer au fond du cœur : courage, elle est passagère et légère, cette tribulation momentaneum et leve, comme disait saint Paul ; « la vie est si courte et le ciel sera si beau », comme disait notre grande Abbesse Madame Cécile Bruyère. Tu ne regretteras rien, vous diront-elles tout bas, et si nous pouvions avoir un regret dans la parfaite béatitude du Ciel, ce serait de n’avoir pas assez souffert, pas assez aimé pour tout supporter sans rechigner !

Il n’y a pas de secret, ou plutôt, il y en a trois : vous vous accrocherez au Seigneur, votre Époux, dans le sacrement de l’Eucharistie, le visitant au tabernacle, vous nourrissant dans la communion de sa force, et de son amour pour l’humanité souffrante ; vous vous accrocherez à Notre-Dame et Mère : nous sommes tous comme ce malheureux, fixé pour les siècles par Michel-Ange sur le plafond de la Sixtine, ce malheureux que la Reine du ciel arrache aux flammes de l’enfer en le tirant par son chapelet ; vous vous accrocherez enfin, dans la foi aussi, à la troisième blancheur, au Vicaire du Christ, qui a mission et grâce pour nous mener, dans la barque de Pierre, au Port du Salut.

Accordez-nous, Seigneur notre Dieu et Père, d’écouter la voix de votre Fils bien-aimé, afin de pouvoir, par l’intercession de la bénie Vierge sa Mère, partager un jour avec lui son héritage ! Amen, alleluia !

Par TRP Dom Marc DOAT, Abbé de Notre Dame de Donezan
Oncle de la jeune Professe